Trois mois plus tard.

J’arpentais difficilement le couloir de mon lycée. Cela faisait des mois que je n’y avais pas remis les pieds. Trois mois, plus exactement, où je m’étais entièrement coupée du monde auquel j’appartenais. Je ne dormais plus, ne mangeais presque plus et ne parlais quasiment jamais. J’avais horriblement maigrie, perdant ainsi les généreuses formes dont mon corps mettait fièrement en valeur par le passé. Habituellement coquette, je m’étais complètement laisser aller, ne prenant plus soin de cette apparence qui avait jusque-là un minimum comptée pour moi. Aujourd’hui je n’étais qu’une loque sans fin, un corps sans âme, je n’étais plus que l’ombre de moi-même.

Les yeux gonflés et rouges comme le sang, je regardais inlassablement le sol qui défilait sous mes pas. Je ne pouvais affronter le regard des nombreux élèves qui me toisaient désormais. Perdue, je me sentais nue, scrutée, scannée dans les moindres détails.

J’entendis des chuchotements de tous les côtés, devinant sans grande peine que j’en étais la cause. Cela résonnait comme un brouhaha incessant qui me sifflait désagréablement aux oreilles. L’atmosphère en devint pesante, à un point, qu’intérieurement je suffoquais.

Terriblement mal à l’aise, une envie submergeante de rebrousser me traversa l’esprit. Je voulais m’enfuir loin d’ici, loin de ses regards empli de pitié qui me faisaient tant gerber. Rentrer était mon seul souhait à présent. Rentrer me terrer dans ce lit, m’emmitoufler sous cette couette qui avait été mon seul refuge depuis ces dernières semaines. Je voulais être invisible, que l’on me fiche la paix, être totalement morte à leurs yeux s’il le fallait.

Alors que je continuais difficilement à traverser ce couloir qui me semblait interminable, une voix familière parvint jusqu’à moi.

- Ah tiens, te voilà !  S’exclama Jane qui allait à mon encontre.

- Qu’il y a-t-il ? Soupirais-je, pas vraiment enthousiaste de retrouver ma meilleure amie.

Elle ne fit pas attention à ma réaction vide de gaieté et me prit aussitôt dans ses bras.

- Ca me fait plaisir de te revoir. Me déclara-t-elle d’une voix faiblarde.

Je devinai sans peine qu’elle était au bord des larmes, prête à exploser dans mes bras.

- Moi aussi. Soufflais-je simplement sans grande sincérité.

Elle s’écarta de moi et essuya ses yeux qui commençaient sérieusement à s’humidifier.

- Aah, passons les tristes retrouvailles avec les torrents de larmes et tout le blabla qui va avec. L’heure n’y est plus. C’est un jour de fête aujourd’hui puisque que tu es enfin de retour.

Je laissai échapper un léger soupir à peine audible, soulagée de ne pas devoir me coltiner les larmes débordantes de pitié de Jane. Je n’avais pas besoin que ma meilleure amie vienne à son tour agrandir le nuage de compassion qui flottait au-dessus de ma tête.

- D’ailleurs si tu savais tous ce que tu as manqués durant ton absence. Changea-t-elle subitement de sujet, en me tirant par le bras. Elle emboita le pas et m’embarqua dans sa marche effaçant d’un sourire radieux l’ambiance terne qui régnait plus tôt.

Blasée de devoir écouter les derniers ragots du lycée dont je me fichais éperdument, je fis tout mon possible pour concentrer mon ouïe vers d'autres bruits moins agaçants pour mon humeur qui était déjà bien au plus bas. Je ne voulais absolument pas savoir qui avait écarté ses cuisses au premier des imbéciles, qui avait rompu avec qui ou encore qui s'était engager dans les joies conflictuelles de l'amour. Le bonheur et le malheur des uns et des autres me passait bien au-dessus de la tête. J’avançais ainsi sans lui prêter oreille priant le bon Dieu qu’elle scelle ce qui lui servait de lèvres. Chose que j’allais regretter amèrement d’ici quelques secondes.

- Sale pute !